Lundi 19 février
Nous nous sentons démunis devant les tours que nous joue le cerveau. Comment gérer la procrastination et la résistance ? Comment accomplir quoi que ce soit quand une voix intérieure sape nos efforts ?
À chaque nouveau projet, j’ai l’impression de recommencer à zéro. Ce n’est qu’une illusion : j’apprends de mes erreurs, même si je ne suis pas toujours capable d’appliquer les solutions.
Il est bon de se rappeler qu’une grande partie de cette négativité est dans la tête : c’est l’amygdale qui, pour assurer notre protection face à un danger supposé, entre en jeu.
Mais l’écriture n’est pas dangereuse : arrêtons le catastrophisme, il n’y a pas mort d’homme. Le pire qui puisse arriver, c’est que l’égo en prenne un coup. (Vu la taille du mien, ça ne lui fera pas de mal.)
Mardi 20 février
Ces dernières années, j’ai développé une allergie pour les projets d’écriture longs… Et je suis dépité quand je prends conscience que celui sur lequel je travaille va s’avérer plus long que prévu, qu’il va me falloir deux années ou plus pour le terminer.
Moi qui change d’humeur et d’envie avec les saisons, et qui ai autant de patience qu’un jouet sur ressort, comment croire que ce projet puisse m’accompagner fidèlement pendant autant de temps ?
Je vais le lourder à la première occasion. Voilà ce qui va se passer !
Mercredi 21 février
Je suis un control freak, mais j’essaye de me soigner. Ce n’est pas toujours facile ; j’échoue très souvent.
Au boulot, je suis un homme d’action, I’m a doer. Quand on prend en charge de nombreux projets, qu’on est le moteur d’une équipe, on peut facilement devenir un petit dictateur. C’est ma hantise. Très vite, on se crispe sur des détails, on ne laisse pas aux autres collègues leur liberté, on leur retire leur agentivité (agency).
Mais c’est aussi néfaste pour notre bienêtre : il ne faut pas croire que le control freak est heureux ; l’angoisse de perdre pied à tout moment l’empêche d’être vraiment détendu…
Du coup, quand je sens la frustration monter et que je m’agace de la moindre broutille (pourquoi est-ce que les autres font-iels mal les choses ? Hein ?! Ne peuvent-iels pas penser ?! Et blablabla…), je me rappelle qu’il est possible, du moins théoriquement, de pratiquer l’engagement détaché (detached engagement) : j’agis et je réagis, mais avec calme et indifférence.
Jeudi 22 février
Il existe une colère destructrice et néfaste, celle de l’égo enveloppé dans ses désirs frustrés. Il y a aussi une colère juste : celle qui motive à changer le monde, qui fait bruler un feu sacré en nous… C’est cette colère-là qui mérite d’être cultivée, celle qui fait dire : « Not on my watch » ou « No pasarán »…
L’inaction est ce qu’il y a de pire : elle ne fait que renforcer le statuquo, ce fameux statuquo qui nous a mis dans cette situation merdique pour commencer.
On a la planète qu’on mérite, on a les politiciens qu’on mérite, on a le sort qu’on mérite.
On peut se trouver mille excuses, certaines seront même valables, mais arrive un moment où il faut se regarder dans le miroir et accepter le reflet tel qu’il est.
Et… tant pis si je suis vulgaire… quand on veut que les choses changent, il faut se sortir les doigts du cul.
Vendredi 23 février
Ces derniers jours, j’ai expérimenté avec les sons (ou battements) binauraux lors de mes exercices de méditation. L’occasion rêvée d’en apprendre davantage sur le cerveau et ses ondes.
Le principe est assez simple : quand chaque oreille entend un son d’une fréquence différente, le cerveau se met à produire des ondes qui représentent la différence entre ces deux fréquences. Ainsi, si un son de 100 Hz parvient à l’oreille gauche et un son de 105 Hz à l’oreille droite, le cerveau produira des battements de 5 Hz dans une volonté d’harmoniser les deux hémisphères. Il est cool comme ça, le cerveau.
Pour comprendre l’intérêt du phénomène, il faut savoir que l’activité neuroélectrique du cerveau est rythmée : on peut en mesurer les ondes (qu’on exprime en Hertz). Elles sont de cinq types : delta (1-4 Hz), thêta (4-8 Hz), alpha (8-12 Hz), bêta (12-35 Hz) et gamma (35-80 Hz).
Les ondes deltas correspondent au sommeil profond et réparateur ; le rythme thêta est celui de la méditation profonde, l’endormissement ou l’hypnose ; les ondes alphas sont produites quand on est calme et apaisé ; la phase bêta est celle de l’éveil, avec une activité mentale modérée, c’est là aussi qu’apparaissent les signes de stress et d’anxiété… Les ondes bêta les plus hautes sont appelées gamma : le cerveau fonctionne à toute vitesse, pour ainsi dire, pour résoudre des problèmes complexes (calculs mathématiques, parties d’échecs ou de go, etc.).
Toutes les musiques binaurales que l’on trouve sur le net ne sont pas de bonne qualité, mais certaines semblent produire l’effet désiré : je suis entré plus facilement dans un état méditatif en écoutant des battements binauraux (alpha et thêta). Les pensées se calment au bout de quelques minutes, le cerveau se détend. Ça fonctionne.
Est-ce une pratique risquée ? Absolument pas, nous assure-t-on, tant qu’on fait preuve de bon sens (volume respectueux des tympans, etc.).
Samedi 24 février
J’aimerais que la science puisse tout expliquer… Et peut-être qu’elle en sera capable un jour, même si j’en doute fort. Il y a des expériences qui ne peuvent être ramenées au simple matérialisme… et quand on s’y efforce, on perd quelque chose d’important. (C’est le cas de l’amour qu’on explique par les hormones que produit le cerveau, par exemple. Quelle tristesse de ramener l’expérience humaine à une série de réactions chimiques !)
Ce qui fait l’intérêt de la science, c’est qu’elle peut se tromper et, sans dogmatisme aucun, corriger ses erreurs.
Mais, les humains étant humains, beaucoup de scientifiques oublient que les vérités d’aujourd’hui seront les mensonges de demain. Il suffit d’étudier, même superficiellement, l’histoire de la science pour s’en convaincre : les hypothèses de travail que l’on considérait comme correctes à une période donnée ne le sont plus de nos jours… Et même si la science s’améliore de plus en plus, il ne faut pas qu’elle succombe à l’hubris. Quand elle devient une croyance (« elle peut tout expliquer » ; « rien n’existe en dehors d’elle »), elle cesse d’être elle-même ; elle se transforme en religion — et une religion désenchantée en plus !
Évidemment, certains voudraient utiliser la faillibilité de la science contre elle et en conclure que, puisqu’elle peut se tromper, on ne doit pas lui faire confiance. Grave erreur ! Elle reste la meilleure méthode pour connaitre le monde physique dans lequel on évolue.
Mais ne lui demandons pas d’expliquer ce qu’elle ne saurait expliquer : si je veux me promener en montagne, je ne vais pas chercher un guide maritime. Pareillement, vouloir utiliser la science pour expliquer ou comprendre la spiritualité, par exemple, c’est employer un outil qui est mal adapté.
Dimanche 25 février
Garder un esprit critique en tout, ça fatigue. Mais comment faire quand nous sommes bombardé·es par des milliers d’informations chaque jour ? Nous serions tenté·es de nous enfermer dans certaines croyances : ceci est vrai, cela n’existe pas, et cet autre truc ne mérite pas notre attention. C’est une stratégie qui permet d’économiser notre énergie mentale, c’est vrai, mais elle étouffe notre curiosité.
À mes yeux, pour comprendre, il faut être curieux.
Mais quand internet dit tout et son contraire, qui croire ? Pouvons-nous explorer le monde avec ouverture d’esprit, suspendre notre incrédulité, quand cela nous condamne à la surcharge mentale ? La rationalité nous permet-elle vraiment de séparer le bon grain de l’ivraie ? Qu’en est-il de l’intuition ?