Journal de janvier 2024

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Lundi 15 janvier

Le zuihitsu est un genre de la littérature japonaise, pouvant mêler essais et poèmes, écrit au fil de la plume. C’est certainement ce qui est le plus éloigné de notre manière dissertatoire d’écrire les essais. Ici, pas d’introduction, ni de parties en nombre prédéterminé, ni de conclusion : l’auteurice note ses observations telles qu’elles lui sont inspirées par l’environnement dans lequel iel se trouve.

L’effet à la lecture est saisissant, parfois déroutant : ce n’est pas ainsi qu’on écrit en Occident. C’est la raison pour laquelle j’apprécie ces petits essais japonais : ils ont une autre manière de dire le monde. Moins cartésienne, peut-être, mais non moins vraie.


Mardi 16 janvier

« C’est précisément cette attente qui s’effondre aujourd’hui dans les États occidentaux développés : pour la première fois depuis deux-cent-cinquante ans, la génération des parents a perdu, et ce, à grande échelle, l’espoir que la situation de leurs enfants sera meilleure que la leur, elle se contente désormais d’espérer qu’elle ne sera pas bien pire, que les crises ne seront pas tout à fait aussi graves, que les normes atteintes seront à peu près respectées. Mais elle comprend que cela ne sera possible qu’au prix d’un effort encore supérieur de mobilisation individuelle et collective des énergies, afin de propulser vers l’avant croissance, accélération et innovation. Bref, nous, contemporains, ne courons plus après un objectif prometteur qui se trouverait devant nous : nous fuyons l’abime catastrophique qui avance dans notre dos. C’est une différence culturelle radicale. »
— Harmut Rosa, Remède à l’accélération, pp. 29-30, trad. Olivier Mannoni


Mercredi 17 janvier

J’ai commencé à lire Autobiography of a Yogi (1946) de Paramahansa Yogananda (1893-1952), le « père du yoga en Occident », car j’ai appris durant le weekend que c’était le livre que Steve Jobs avait fait offrir à tous·tes celleux qui avaient assisté à ses obsèques. Ma curiosité ainsi piquée, j’ai aussitôt acheté l’ebook (30 pence, a bargain!).

L’anglais, très soutenu, est pour ainsi dire archaïque. Nous nageons en pleine hagiographie : chaque chapitre contient un ou deux miracles qui démontrent que Yogananda était destiné à devenir un grand yogi. Comme lecture, c’est très divertissant.

Je m’interroge toutefois. Il s’agit ici d’une autobiographie et non d’un roman de fantasy. En écrivant sa vie, croyait-il réellement à ce qu’il racontait ? ou n’était-ce qu’un ouvrage de propagande, un moyen pour lui d’assoir sa légende ?

Je n’en suis qu’au début, mais j’ai du mal à comprendre ce qui rend ce livre si important que Jobs en aurait fait son dernier conseil de lecture… Je vais continuer pour le découvrir.


Jeudi 18 janvier

L’orthographe rectifiée m’invite à me défaire de mon fétichisme de la langue. Au revoir, les accents circonflexes ; good-bye, les lettres inutiles. 

Hier, j’ai découvert qu’asseoir était devenu assoir… J’ai tellement l’habitude de cette orthographe traditionnelle que je regarde ma phrase comme s’il lui manquait quelque chose. Mon instinct est de rajouter le e immédiatement, mais… je respire profondément et je laisse couler.


Vendredi 19 janvier

Avec plus d’un mois de retard, je découvre chaque jour un thé différent de Mariage Frères grâce à leur calendrier de l’avent. Cette année, ils l’ont appelé Christmas in Love, certainement pour mettre en avant leur série « in love », du thé bleu parfumé (principalement). Malheureusement, je n’aime pas le gout de ce thé bleu, sauf exceptionnellement (Paris in Love était pas mal). Heureusement, il n’y a pas que du thé bleu… et un jour sur deux, je découvre un nouveau thé avec plaisir, que j’ajoute à ma liste d’achats futurs…


Samedi 20 janvier

Il y a quatre ou cinq ans, en lisant le livre de Patricia Garfield (1934-2021), Creative Dreaming : A Revolutionary Approach to Increased Self-Awareness (1974), j’ai appris l’existence des rêves lucides.

De manière générale, notre société ne prête plus attention à ses rêves nocturnes. Nous ne sommes plus à l’époque de Sigmund Freud ou de Carl Jung, où ils revêtaient une importance capitale. Résultat, nous ne nous souvenons plus de nos rêves, si bien que certain·es en concluent qu’iels ne rêvent pas ! Certaines pratiques, communes à de nombreuses civilisations de par le monde et à travers les siècles, sont tombées en désuétude. C’est le cas de la lucidité dans les rêves.

Le rêve lucide est un phénomène qui a été prouvé par la science, en particulier grâce aux travaux de l’américain Stephen LaBerge. De quoi s’agit-il ? La rêveuse est consciente qu’elle rêve et peut interagir avec son rêve de manière consciente. Sur le net et dans certains ouvrages, on trouvera l’affirmation qu’elle peut « contrôler » ses rêves, mais le terme, selon LaBerge, n’est pas correct : il s’agit davantage d’une collaboration avec son inconscient. Le rêve lucide peut être utilisé à différentes fins : éveil spirituel, dialogue avec ses peurs ou ses désirs, divertissement, etc., etc.

En 2024, j’ai envie d’explorer les rêves lucides. Je n’en ai jamais eus, à ma connaissance. J’aimerais en faire l’expérience.


Dimanche 21 janvier

Le Britannique Charlie Morley, un rêveur lucide bouddhiste, qui a écrit quelques ouvrages sur le sujet, donne la marche à suivre pour faire des rêves lucides. Même s’ils peuvent arriver spontanément chez certaines personnes, la plupart d’entre nous devront s’entrainer pour y arriver.

Tout d’abord, il faut commencer par prêter attention à ses rêves et se les rappeler au réveil. Tenir un dream journalpermet, non pas d’interpréter le contenu du rêve (ce n’est pas ici le but), mais de repérer les signes récurrents qui prouvent qu’il s’agit d’un rêve. Par exemple, l’apparition d’un proche décédé ou le fait qu’on se retrouve dans un cadre scolaire alors qu’on ne fait plus d’études depuis des années. L’objectif est d’entrainer l’esprit à reconnaitre le rêve sur le moment et non après.

La première étape est donc d’arriver à se poser la question « suis-je en train de rêver ? ». L’objectif du rêve, toutefois, est de nous faire croire qu’il est réel… Ainsi, on peut très bien s’être posé la question, avoir répondu par l’affirmative et quand même se retrouver happé par le rêve qui, par ses nombreux charmes, parvient à nous faire tout oublier de cette prise de conscience. Nous avons tous eu cette expérience, j’imagine. 

Comment peut-on se prouver que l’on rêve ? Trois exemples faciles à tester : 1) regarder ses mains à deux reprises (dans un rêve, elles ne seront jamais identiques) ; 2) lire un texte deux fois d’affilée (le texte changera, car le cerveau est incapable de reproduire à l’identique la première lecture) ; 3) regarder un écran de télévision ou utiliser un téléphone (le cerveau semble avoir du mal à faire fonctionner correctement les nouvelles technologies dans les rêves).

Une fois qu’on a pris conscience qu’on rêvait vraiment et qu’on a contourné les défenses du rêve, c’est là que le fun commence.