Tu peux trouver une version éditée de ce journal dans ma newsletter (Substack).
La version intégrale (fautes et anglicismes inclus) est disponible dans mon jardin numérique, Sylves. La publication s’y fait au jour le jour. J’applique ici l’orthographe rectifiée.
Bonne lecture – Enzo.
Vendredi 1 septembre
Dans les Récits Péninsulaires, le patriarcat n’existe pas. La société tendrait davantage vers le matriarcat.
Très tôt, certaines évidences se sont imposées à moi : par exemple, la pudeur n’est pas une vertu féminine. Les deux sexes jouissent donc d’une sexualité libérée et décomplexée : les femmes n’ont pas à prétendre (l’injonction d’être une chaudasse respectable n’existe pas). Elles vivent leur vie sexuelle comme elles l’entendent, sans jugement, aidées en cela par des moyens de contraception efficaces. Elles peuvent être agressives si elles le souhaitent. Cela dépend de leur personnalité et non du rôle générique qu’on leur impose dès la naissance.
On attend des hommes qu’ils fassent usage de tous les outils de la séduction : vêtements plus variés, maquillage, etc. Le tout pour attirer l’attention et se démarquer des autres hommes (une observation rapide du monde animal démontre que ce sont les mâles qui doivent séduire les femelles ; ils ont les couleurs les plus extravagantes ; la femelle choisit qui elle veut parmi ses prétendants).
La force n’est pas masculine et la douceur n’est pas le propre des femmes. Etc., etc.. Il suffit de regarder ce qui se passe sur Terre et de prendre le contrepied si j’en ai envie. C’est assez simple.
Ce qui me pose problème, ce sont les gays et les lesbiennes. Surtout l’image, un peu cliché certes, mais assez correcte dans l’ensemble, que l’on se fait d’eux : le gay sensible et efféminé, qui aime la mode, et la lesbienne butch, heureuse d’avoir les cheveux courts et de s’habiller comme un homme. Que leur arrive-t-il sur la Péninsule ? Ces traits de démarcation se retrouvent-il (mais du coup, à l’opposé : le gay est sobre et n’attire pas l’attention ; la lesbienne aime le maquillage et les habits colorés — pour schématiser) ?
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J’ai un problème de définition. Je ne sais pas ce qu’est l’homosexualité. À mes yeux, elle va bien au-delà de la simple attirance pour son propre sexe : elle s’accompagne d’une série de comportements, à des degrés variables, qui nous placent aux marges de notre société. Nous ne semblons pas nous reconnaitre dans l’image de l’homme ou de la femme que le groupe nous impose.
De nos jours, l’homosexualité constitue l’essence de qui nous sommes : elle est tout autant identitaire que sexuelle. Ça n’a certainement pas toujours été le cas… mais je pense que cette « différence » a toujours été présente.
Comment donc se traduit-elle dans mon monde ? Ce qui m’intéresse, ce sont les détails pratiques : gestuelles, habits, comportements. Qu’est-ce qui active le gaydar ? I have no idea.
Samedi 2 septembre
J’ai ramené Consider This de Chuck Palahniuk à la bibliothèque avant de l’avoir terminé. J’ai dû n’en lire qu’un quart. Cet ouvrage sur l’écriture m’est tombé des mains : la preuve, si besoin est, qu’il faut choisir ce genre de livres avec beaucoup de précaution. Il ne faut pas prendre des conseils de n’importe où ni de n’importe qui. Suivre des enseignements mal adaptés fait davantage de mal que de rester ignorant.
Je n’ai jamais lu les romans de Chuck Palahniuk, mais ce qu’il dit sur l’art de raconter des histoires ne me parle absolument pas (j’ai dû trouver un ou deux conseils applicables).
J’ai parcouru certaines pages avec incrédulité, me demandant si on parlait du même art. Il aurait pu habiter une autre planète… Et peut-être que c’est le cas : la littérature réaliste, celle qui se prend pour la Littérature (avec une majuscule), ne partage pas le même langage, les mêmes codes, que les littératures de genre.
C’est un peu comme aller étudier la cuisine occidentale dans l’espoir de devenir un pro de la cuisine chinoise : ce n’est pas adapté ; les ingrédients ne sont pas les mêmes, les gouts diffèrent pareillement.
Dimanche 3 septembre
Je travaille dans une université anglaise. Au quotidien, je suis entouré de gens dont les diplômes prouvent qu’ils sont « intelligents »… Mon expérience rejoint ce qu’affirme David Robson dans The Intelligence Trap :
« Intelligent and educated people are less likely to learn from their mistakes, for instance, or take advice from others. (…) And when they do err, they are better able to build elaborate arguments to justify their reasoning, meaning that they become more and more dogmatic in their views. Worse still, they appear to have a bigger “bias blind spot”, meaning they are less able to recognise the holes in their logic. »