Journal de septembre 2023

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Lundi 18 septembre

En lisant The Little Book of Humanism, compilé par Andrew Copson et Alice Roberts, je vois mes affinités avec ce mouvement séculaire qui place l’humain au centre de ses préoccupations et s’évertue à rejeter l’obscurantisme religieux de la sphère publique. 

Fondée en 1896 en Angleterre, l’association « Humanists UK » est très active. Elle propose une alternative laïque aux modèles religieux (mariage, enterrements, etc.) et se bat pour que, entre autres, la House of Lords cesse d’accueillir des évêques (l’Angleterre est l’une des deux nations au monde à avoir des représentants religieux dans son Parlement ; l’autre, c’est l’Iran…).

Étrangement (!), on ne voit pas Humanists UK partir en croisade contre l’abaya… ni le voile.


Mardi 19 septembre

L’autrice, inspirée par le stoïcisme (et ce que l’on appelle la dichotomie du contrôle), sait que certains aspects de son Art dépendent d’elle et d’autres non. Elle ne doit se préoccuper que de la première catégorie au risque d’être malheureuse et frustrée.

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Ce qui dépend de soi : le sujet de son histoire, la caractérisation des personnages, le rythme, l’intrigue, les mots que l’on emploie et ceux que l’on rejette, le nombre de séances durant lesquelles on écrit ou se relit, le temps et l’énergie consacrés à son art, le plaisir que l’on y prend, les lectures que l’on fait pour trouver l’inspiration ou s’informer, le nombre de fois où l’on remet son ouvrage sur le métier (vingt fois ou davantage, comme dirait Boileau), le genre du texte, la longueur des phrases, la disposition des paragraphes et la place des virgules.

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Ce qui ne dépend pas de soi : sa réputation, son succès, la réception du texte, le nombre de fautes et de coquilles (si, si, je t’assure), la publication de l’ouvrage (si édité traditionnellement), l’avis des lecteurs et des lectrices, les ventes, les récompenses et les accolades, la percée sur les marchés étrangers, l’adaptation Netflix.


Mercredi 20 septembre

‘When it comes to the creative process, patience is accepting that the majority of the work we do is out of our control. We can’t force greatness to happen. All we can do is invite it in and await it actively. Not anxiously, as this might scare it off. Simply in a state of continual welcoming.’ (The Creative Act: A Way of Being, by Rick Rubin)


Jeudi 21 septembre

Dans notre société où l’information est abondante, oublier est aussi important que de se souvenir. C’est même devenu bien plus important si on ne veut pas être submergé·e.

Retournement total par rapport à ce que nous avons vécu lorsque nous étions jeunes (lorsque moi, j’étais jeune) : durant toute notre scolarité, on n’a eu de cesse de nous répéter qu’il fallait se souvenir de ci ou de ça, car l’information était une denrée rare. On ne la trouvait que dans les livres, et les livres que dans les bibliothèques.

De nos jours, Google pourvoit jusqu’aux détails les plus insignifiants. Notre mémoire est augmentée. Pour un peu, nous n’aurions plus besoin de nous souvenir de quoi que ce soit.

Quand tout est abondant, la curation est ce qui importe le plus : cette capacité de filtrer des tonnes et des tonnes de contenu pour ne garder qu’une seule pépite. 

Dans le vaste océan de la connaissance, toujours en expansion, nous sommes devenus des baleines qui filtrent l’eau salée pour ne garder que le krill.


Vendredi 22 septembre

Quand on sent les angoisses revenir, il faut se rappeler qu’on ne peut rien faire pour changer le monde — la quasi-totalité de ce qui se passe sur cette Terre se trouve hors de notre champ d’influence. 

Je peux m’étouffer de colère en entendant la dernière décision de notre Premier ministre, dont les mensonges et l’incompétence rappellent de plus en plus ses deux prédécesseurs, mais cette bouffée d’émotion négative n’a aucun effet sur le monde qui m’entoure. Elle n’affecte que moi. 

Dans ce cas, il est bon de faire l’autruche : puisque je n’ai aucune prise sur la folie du monde extérieur, je préfère l’ignorer.

À chaque pensée négative qui monte en moi, je me rappelle que je ne peux rien y faire… et je décide de faire confiance à l’Univers : it will all work out in the end. J’apprends à concentrer mes préoccupations sur ce que je peux changer, ce qui dépend de moi. 

Le reste n’est que du bruit qui, si j’y prêtais trop attention, me ferait du mal.


Samedi 23 septembre

Je suis de plus en plus convaincu que le bien écrire se caractérise, non pas par la qualité des mots que l’on emploie, mais par cette capacité à demeurer engageant du début jusqu’à la fin. 

C’est évidemment une qualité que ne développent ni l’école ni l’université, où l’on se donne pour mission de démoniser certains registres et d’enseigner le jargon de sa spécialité. 

Ces professeurs d’Université qui savent bien écrire, où ont-ils appris ? Car, lorsqu’on lit leurs collègues qui produisent des textes aussi obscurs qu’un trou noir, on comprend que ce n’est pas en rédigeant une thèse de doctorat qu’on développe nécessairement les compétences du bien écrire. 

Dans ce cas, le bon style, c’est celui qui sait se faire oublier au profit des idées qu’il met en avant.


Dimanche 24 septembre

En ce moment, je lis Aristotle’s Way d’Edith Hall… Elle parvient à tenir mon intérêt dès l’ouverture de ses chapitres… Quelque chose que The Pleasure Principle de Catherine Wilson est incapable de faire. Pourtant, les deux ouvrages, qui s’intéressent à des philosophes antiques (Épicure chez Wilson et Aristote chez Hall), partagent la même mission : montrer en quoi ces sages de l’Antiquité grecque peuvent nous aider à mener une vie heureuse.

Je suis incapable de dire en quoi Catherine Wilson échoue : tout comme Hall, elle prend des exemples de la vie quotidienne ; son propos n’est pas seulement théorique… Mais il y a quelque chose dans sa manière de présenter ses arguments qui me fait bâiller d’ennui.