Journal de décembre 2023

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Lundi 11 décembre

Treize heures de vol, c’est long… mais au moins, l’avion n’était pas aussi froid qu’à l’aller. Peut-être parce que le cockpit avait fait le plein d’air chaud thaïlandais (il faisait 34° au départ de Bangkok) ; peut-être parce qu’une partie du vol s’est faite durant la journée. Qui sait !

Malheureusement, le divertissement était aussi médiocre qu’à l’aller : EvaAir pourrait proposer davantage de films et de séries. Je pensais que je verrais la fin de Haunting Mansion, que j’avais commencé deux semaines plus tôt, mais j’ai abandonné après cinq minutes. J’ai préféré regarder Blue Beetle, un des derniers DC, qui, à défaut d’offrir une histoire un tant soit peu originale, est bien fait. C’est agréable de voir une distribution entièrement latino à l’écran. J’ai, ensuite, regardé un film japonais de Noël : Black Night Parade (2022), adapté d’un manga (comme tout ce qui nous vient du Japon, à peu près !). Très bien, même si la fin abrupte appelle une suite, vu qu’une bonne partie de l’intrigue n’a pas été résolue.


Mardi 12 décembre

Arrivé à Sheffield à 2 h 30 du matin, couché à 4 heures. Heureusement que j’ai pris un jour de congé de plus.

Maintenant que nous sommes de retour en terre glaciale et entourés par la grisaille, nous pouvons nous mettre à préparer Noël.

En Thaïlande, avec le soleil et la chaleur, il y avait quelque chose d’anormal à penser aux fêtes de fin d’année. À chaque fois que je voyais un sapin de Noël, je buguais.


Mercredi 13 décembre

Deux semaines et demie loin du boulot… et je repars sur les chapeaux de roue. Ça me chagrine vraiment de me voir à ce point investi : certes, je m’enthousiasme au sujet de projets qui vont radicalement changer notre manière de travailler, mais rien ne dit que c’est à moi qu’il reviendra de les mettre en place.

Que d’énergie dépensée pour rien, peut-être ! J’imagine déjà ma frustration quand on donnera ces projets à quelqu’un d’autre (certainement plus expérimenté·e que je ne le suis). Peut-être comprendrai-je alors qu’il est temps que j’aille voir ailleurs. Ça fait trop longtemps que je suis dans la même équipe. Si j’étais moins sentimental, je serais déjà parti.


Jeudi 14 décembre

Je me laisse quelques semaines pour décider de ce qui m’occupera durant le premier trimestre de 2024. 

Les projets ne manquent pas : je peux retourner aux aventures de Corydon, d’Alexandre and co., que j’ai mises en pause en novembre ; ou poursuivre la nouvelle sur le Rabbit God que j’ai commencée avant de partir en Thaïlande pour me divertir ; ou encore, rédiger l’épisode 3 du Démon Blanc afin de terminer la première saison (commencée en 2020). Il y aussi les suites qu’on me demande : ce qui arrive à Raiden, à Louis et à Roberta après les évènements de Dormeveille College… ou des nouvelles des amours de Lucien et d’Andrew, de Marc et de Damian (Tendres Baisers).

2024 pourrait être l’année où je me décide enfin à écrire un projet d’écriture fragmentée, inspiré des Villes Invisibles de Calvino, des Chants perdus de l’Odyssée de Zachary Mason ou des Ghost Variations de Kevin Brockmeier. Des Microfictions, en somme, mais davantage liées entre elles que celles de Régis Jauffret et bien plus fantastiques (et moins déprimantes) ! 

Pour cela, il me faudrait sortir des sentiers battus, mais je ne suis pas sûr d’avoir le courage, ni de savoir comment faire. Cela fait des années que je réfléchis à la question. Ma conclusion : seul importe le plaisir de lecture. Il faudrait donc écrire quelque chose qui soit à la fois fragmenté et qui pique l’intérêt du début jusqu’à la fin. (Les ouvrages que j’ai cités plus haut ont tendance à m’ennuyer au bout d’un moment. Je les aime, mais peut-être suis-je amoureux de l’idée qu’il représente, davantage que du produit final.) 

Mission impossible donc ? Certainement.


Vendredi 15 décembre

Voir une armada d’enragé·es à l’œuvre sur Twitter est une expérience qui donne le vertige. Parce qu’iels n’aiment pas ce que quelqu’un a déclaré, iels vont retracer dix années de tweets pour trouver la petite bête… Tant de malfaisance ne les grandit pas. 

À cela s’ajoute que la mise en page des retweets sur Twitter-X a changé ces dernières années, si bien que les enragé·es finissent par tout confondre et croire que cette personne a employé le n-word, alors qu’elle ne faisait que répondre à l’insulte.

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Si on veut prouver que quelqu’un fait partie du camp des méchants, ressortir de vieux tweets ne semble pas être la stratégie la mieux adaptée. Surtout quand ils sont sortis de leur contexte.

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Un changement drastique de paradigme a eu lieu entre 2016 et 2018, plus ou moins au moment où le mouvement #MeToo est né : du jour au lendemain (c’est en tout cas l’impression qu’on a pu avoir), certains discours sont devenus inacceptables. C’est un changement que tous les utilisateurs âgés des réseaux sociaux ont remarqué, et auquel ils ont dû s’adapter, bon gré mal gré. Les jeunes générations, quant à elles, ont grandi avec cette nouvelle réalité et semblent donc incapables de comprendre qu’il ait pu exister un temps où ce genre de discours n’émouvait (presque) personne.

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Dix ans est une longue période. Pour n’importe qui. Nous changeons tous. Nos opinions évoluent. Avec un peu de chance, nous corrigeons notre manière de penser et nous devenons de meilleurs êtres humains.

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Les réseaux sociaux font preuve d’une intransigeance insupportable. I’m holier-than-thou – voilà une attitude bien stérile. Sans parler du fait que c’est profondément injuste : nous avons tous dit des bêtises qui nous feraient rougir de honte si on nous les pointait du doigt. Je suis mal à l’aise quand je vois qu’on oblige quelqu’un à s’excuser pour des paroles prononcées plus d’une décennie plus tôt, comme s’iel venait de les dire la veille. Certains faux pas méritent d’être oubliés et d’être pardonnés. Les présenter comme des crimes est un acte frauduleux en soi. À tout vouloir confondre, on finit par perdre le sens des perspectives… On s’affole de tout avec la même intensité. L’indignation est identique : une blague de mauvais gout, sans conséquence, faite il y a dix ans enrage autant les esprits que les horreurs d’une guerre dévastatrice.

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Je n’aime vraiment pas ce nouveau puritanisme.


Samedi 16 décembre

La littérature est un acte de communication… C’est un échange entre l’auteurice et ses lecteurices. 

Certain·es auteurices ne veulent pas échanger. Iels sont là pour impressionner : moi, moi, moi — voilà ce que leur texte semble crier à qui veut (ou pas) entendre. Le texte s’impose sans laisser de choix. Il est comme sourd, il ne laisse aucune place à celleux qui le lisent… Un peu comme ces gens qui monologuent et ne prêtent aucune attention à qui iels parlent. Iels sont là pour débiter leur tirade ; iels ne discutent pas.

Évidemment, la littérature est un acte de communication inégal : on n’entend qu’une seule partie de la conversation, celle de l’auteurice. C’est donc facile d’oublier qu’il s’agit d’une conversation, et non d’un monologue. Quand on écrit, on doit s’assurer que le texte soit le plus accueillant possible, qu’il laisse une place confortable aux lecteurices et leur donne l’opportunité de répondre pour ainsi dire (même si on n’entendra jamais cette réponse).

Voilà l’éthique de l’écrivain : respecter ses lecteurices, même quand iel ne sait pas qu’iels sont. Il n’y a aucune honte à vouloir impressionner la galerie, mais l’humilité (celle qui permet de raconter une histoire comme il faut, de la partager avec autrui en toute sincérité) doit s’exprimer en premier. Les mauvais auteurs sont ceux qui entrent en littérature pour les mauvaises raisons, ceux qui oublient qu’il s’agit d’un acte de partage où l’égoïsme ne saurait avoir sa place. 

Oui, écrire, c’est être égocentrique… c’est se mettre au milieu. C’est dire : j’existe donc je crée.

Mais à partir du moment où l’on veut être lu, la dynamique change. On doit prendre en compte son lectorat et ses besoins… l’accueillir au sein de l’œuvre, lui rendre la visite agréable.


Dimanche 17 décembre

À supposer que l’on s’accorde toustes sur le fait que la littérature doive faire passer un « bon moment » aux lecteurices, la définition de « bon » varie d’une autrice à l’autre. 

Pour l’une, tout doit être facile : le style, limpide, ne doit présenter aucune difficulté et permettre, par exemple, au lecteur de lire l’histoire tout en scrollant sur les réseaux sociaux. L’œuvre est alors semblable à une pente douce, qui descend jusqu’à sa résolution, sans rien demander du lecteur.

Pour l’autre, le plaisir ne vient qu’après l’effort : l’histoire résiste donc un peu à la lecture, qui ne peut se faire sans une grosse dose de concentration. Elle s’apparente donc à un long marathon en terrain accidenté.

Il faut de tout pour faire un monde littéraire : tant que l’autrice respecte son lectorat, elle peut décider de la voie à suivre. Aucune n’est meilleure que l’autre, même si les querelles de clocher voudraient nous faire croire le contraire.