Lundi 06 novembre
‘Patience is developed much like awareness. Through an acceptance of what is. Impatience is an argument with reality. The desire for something to be different from what we are experiencing in the here and now. A wish for time to speed up, tomorrow to come sooner, to relive yesterday, or to close your eyes then open them and find yourself in another place.’ (The Creative Act: A Way of Being, de Rick Rubin)
Mardi 07 novembre
Je me permets quelques jours de pause dans le projet actuel afin de travailler sur une idée de recueil de nouvelles autour du Rabbit God. Je sais que je procrastine… et qu’il s’agit d’une énième stratégie d’évitement…
Mais ces errances permettent de faire le point, de se ressourcer, de penser à autre chose, avant de revenir sur le manuscrit en cours et de le voir avec davantage de clarté (et, il faut l’espérer, une motivation renouvelée).
Mercredi 08 novembre
Quand j’écris de la fantasy, je me dis que je préfèrerais écrire une histoire réaliste (la création d’un monde secondaire, c’est dur).
Quand j’écris une romance réaliste, je me dis que je préfèrerais écrire de la fantasy (une histoire sans magie, c’est triste).
Peu importe ce que j’écris, l’herbe est toujours plus verte dans un autre genre.
Jeudi 09 novembre
En matière de lectures, je ne me simplifie pas la vie.
Je n’aime pas lire des traductions françaises de l’anglais pour des raisons évidentes (pourquoi lire une version abâtardie quand on peut lire l’original plus facilement et — souvent dans mon cas — moins cher ?).
Je me limite donc à des traductions d’autres langues et à des textes francophones originaux.
Puisque je suis de nouveau abonné à Kindle Unlimited, il faut aussi que ces romans en fasse partie… car quel intérêt de payer un abonnement si je ne l’utilise pas ?
J’aime lire les autres auteurices indépendant·es, mais avouons que c’est un peu la jungle…
Dans ce domaine, Amazon n’aide vraiment pas : sur le site français, la romance gay est classée dans la littérature érotique… alors que le site anglais la propose comme une sous-catégorie de la romance (logique). Je n’ai pas caché ici mon désintérêt pour les scènes érotiques (je les saute automatiquement si elles dépassent un paragraphe)… Du coup, le classement d’Amazon joue en ma défaveur. (Amazon.fr, cache ces romans que mes yeux chastes ne sauraient voir !)
Bref, nevermind. Fin de ma complainte matinale.
*
Je dois me remettre à lire en français. Lire dans sa langue d’expression est capital pour tout auteur expatrié en terre anglophone… Il faut entretenir sa mémoire linguistique — cette capacité à se souvenir des mots et des structures de manière active afin de pouvoir les utiliser dans ses écrits.
Vendredi 10 novembre
J’ai lu une romance autopubliée et écrite en français par une autrice d’origine américaine qui vit depuis plusieurs années en France. L’expérience est intéressante, car elle montre à quel point le « bon usage » du français (je mets ici les guillemets qui s’imposent) rend l’écriture romanesque difficile.
Cette autrice a un niveau qui ferait certainement rougir certain·es auteur·ices francophones que j’ai pu lire ces dernières années, si iels étaient seulement capables de prêter attention à leur outil d’écriture principal et d’éprouver de la honte, ce dont on peut douter.
Sa grammaire était impeccable, mais le choix des mots dans certains cas n’était pas le plus indiqué. Mon cerveau corrigeait automatiquement ces « fautes de style » en suppléant tantôt un verbe, tantôt un adjectif… J’ai regretté qu’elle n’ait pas eu un relecteur plus attentif ou plus entreprenant : le but n’était pas de réécrire le texte entièrement, mais de suggérer ici et là une expression plus courante en contexte littéraire. La correction grammaticale ne fait pas tout ; ce sont là les limites d’un outil comme Antidote.
Comme il ne s’agissait que d’une novella… j’ai dû relever une vingtaine de « maladresses » (qui n’étaient pas le genre de maladresses stylistiques qu’un·e auteurice francophone aurait faites, précisons-le).
Parmi celles-ci, un seul « écart » (par rapport à la norme/l’usage) était stylistiquement intéressant : voilà pourquoi j’aimerais lire davantage d’auteurices exophones — leur usage neuf du français fait, à l’occasion, des merveilles.
Samedi 11 novembre
L’entrée d’hier n’a pas pour but de critiquer cette autrice, qui a mérité mon plus profond respect, mais de montrer à quel point la pratique du français « littéraire » peut s’avérer hasardeuse.
Il existe une « jurisprudence du bon gout », développée sur plusieurs siècles, qui influence encore de nos jours notre manière d’écrire. Nous mettons des années à l’acquérir inconsciemment ; il faut lire des centaines et des centaines de romans. Certain·es le font avec application et intérêt tandis que d’autres la rejettent avec plus ou moins de force, ou repoussent les limites de ce qui est jugé convenable, par esprit de modernité ou par rébellion.
Nous interprétons tous cette « jurisprudence » (l’usage littéraire de la langue), que nous le voulions ou non… et notre manière de l’appliquer constitue notre style (ici, au sens microscopique — comment nous écrivons nos phrases).
Puisque je suis Français, j’ai l’impression que le poids de cette jurisprudence est plus pesant que… disons… son équivalent anglais. Le milieu littéraire francophone porte une attention démesurée et malsaine au style (j’en suis le premier atteint, comme le démontre ces entrées). Personne ne sera surpris, ou ne me contredira, si j’affirme qu’il existe un culte du style dans l’Hexagone.
Il doit exister un équivalent de cette « police du style » en anglais, mais elle me semble moins puissante. Mais qui suis-je pour juger ? Je ne suis pas un natif et je ne fréquente que les littératures de genre… qui sont les fers de lance de l’édition commerciale et les ennemis naturels de la « grande littérature » avec une majuscule, la vraie, l’ennuyeuse.
Dimanche 12 novembre
Quand nous jugeons de la qualité stylistique d’un ouvrage, nous confondons correction et élégance. « Cette phrase n’est pas correcte » dirons-nous d’une expression que l’on emploie tous à l’oral mais que l’école a essayé de chasser de l’écrit.
Je pense que cette confusion n’est pas un hasard : notre système pédagogico-culturel fait tout son possible pour l’entretenir. Parler d’élégance renvoie au gout… Or, nous savons qu’il n’y a pas plus subjectif que les gouts et les couleurs. Au contraire, parler de correction semble objectif. C’est blanc ou noir. C’est correct ou ça ne l’est pas. Les règles sont claires sur le sujet.
Ce qui détermine la correction, c’est l’usage général que la population fait de sa langue à travers le temps. Ce qui détermine l’élégance, c’est l’usage d’une minorité qui s’est approprié ce droit.
« Mange Pierre le chat » est incorrect, car le français suit principalement le modèle SVC — sujet verbe complément.
Dire que « prêter attention » est mieux que « faire attention » relève du subjectif… De même qu’affirmer qu’il faut préférer « en revanche » à « par contre ».
Distinguer correction et élégance nous permet donc de mettre au jour tout ce qui relève du subjectif, de l’arbitraire, mais voudrait se faire passer pour des vérités objectives. Cela nous donne davantage de liberté… Peu importe si, au final, nous décidons de suivre le « bon gout » à la française ou pas.
L’essentiel, en tant qu’auteurices, c’est de pouvoir utiliser notre outil principal, c’est-à-dire notre langue, le plus librement possible, loin des décisions arbitraires d’un groupuscule de pédants germanopratins.