Journal de novembre 2023

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Lundi 13 novembre

Cela fait bien longtemps que je n’ai pas écrit tous les jours. 

Il fut un temps où j’écrivais avec une régularité de métronome, tous les matins, au réveil. 

Le matin, c’est là où mon cerveau est le plus frais. Je ne me soucie pas de la qualité de ce que j’écris : je me contente d’aligner les mots les uns après les autres. Le soir, après une journée de travail, la fatigue me fait couper les cheveux en quatre. J’agonise au sujet d’un tour de phrase, je me flagelle pour trouver le bon mot… C’est tellement douloureux que, très vite, je n’ai plus envie d’écrire et je me sens nul.

Je peux me sentir nul le matin aussi… mais j’ai fait ce que j’avais prévu de faire… et j’éprouve une satisfaction qui me met de bonne humeur pour le reste de la journée. Il n’y a rien de mieux que d’avoir fini l’activité la plus importante à 7 heures du matin — tout le reste, c’est du bonus. It feels great.

Depuis que je me suis remis à écrire, je ne dépasse pas les trois sessions par semaine. C’est peu. Il faudrait que j’écrive aussi les weekends, ou que je me lève plus tôt les jours où je dois me rendre sur le campus. 

Pour que l’écriture reste un plaisir, je ne me force pas : je veux établir une relation saine avec mon Art. C’est en tout cas ce que je me dis. La procrastination sait se parer de nombreux masques.


Mardi 14 novembre

En ce moment, je lis la série Love, Austen d’Anyta Sunday, une autrice néozélandaise de romances MM. Chaque volume réécrit un roman de Jane Austen. Je prends beaucoup de plaisir à plonger dans les histoires de cette autrice que j’ai découverte en 2020 et qui est rapidement devenue l’une de mes écrivain·es préféré·es.

Ça fait plusieurs années que je veux, moi aussi, réécrire un ou plusieurs classiques… Mais les plus célèbres ont déjà été faits plusieurs fois… Il doit y avoir des dizaines de réécritures queers de Roméo & Juliette. Tantôt mon cœur penche vers des classiques antiques (peut-être l’Enéide ou les Métamorphoses), tantôt il voudrait faire comme les autres (les classiques du XIXe anglais sont plus fun à adapter)…

Quels sont les classiques français que j’aimerais réécrire ? Il n’y en a pas tant que ça… Peut-être les Liaisons Dangereuses (mais n’est-ce pas archifait ?!)… Des pièces de Racine (elles-mêmes des réécritures de la matière antique)… ou de Molière (quand je suis d’humeur plus légère). Peut-être du Dumas ? Il est certain que nous n’avons pas une Jane Austen française (ou si elle a jamais existé, le patriarcat s’est empressé de nous la faire oublier). Je ne me verrais pas réécrire du Balzac, du Hugo ou du Zola ! Peut-être faudrait-il chercher du côté de la littérature populaire, qui a déjà bien inspiré les anglophones : Jules Verne, Eugène Sue, Maurice Leblanc, Gaston Leroux, etc.

La réécriture est un acte d’amour, soit envers le(s) personnage(s), l’œuvre littéraire ou l’auteur. Il y a peu d’œuvres françaises (aucune ?) qui m’inspirent une telle passion. C’est à se demander pourquoi j’ai fait des études de lettres.


Mercredi 15 novembre

Combien de fois mes pensées se tournent-elles vers le passé pour le réécrire ? Combien de fois imaginè-je des études, des choix amoureux, des lieux de vie différents ? C’est beaucoup d’énergie mentale dépensée pour pas grand-chose. 

Réécrire le passé est très souvent une perte de temps. Évidemment, c’est moins effrayant de réfléchir à quelque chose qui ne reviendra plus que de faire face à un futur incertain. Le passé est un territoire familier car nous l’avons déjà parcouru. Nous percevons les conséquences de nos choix avec une plus grande clarté — des choix qui, sur le moment, n’apparaissaient peut-être pas comme tels. Nous jugeons des actions, des situations, à l’aune de qui nous sommes maintenant, et non de qui nous étions alors. Le passé est un gouffre qui avalerait toute notre attention si nous n’y prenions garde. 

Mais le passé n’a d’intérêt que s’il informe le présent et le futur. Le moment où il nous enchaine, au lieu de nous libérer, il faut recalibrer nos pensées. Regarder autour de nous, et en avant, afin de mieux agir sur le réel.


Jeudi 16 novembre

Les préparations d’un voyage à l’étranger sont sans fin. Savoir comment payer sur place est une véritable prise de tête (j’aime me prendre la tête), surtout quand on va dans un pays où il faut utiliser du cash. 

En Angleterre, je n’en utilise jamais : on peut tout payer par carte, même les petites sommes. C’est tellement plus pratique, même si ça veut dire que l’on est traqués du matin au soir, que tout laisse une trace.


Vendredi 17 novembre

Newsletter d’Ariana Nash. 

4 romans publiés en 2023, au lieu des 5 habituels publiés ces dernières années. 

Les auteurices de romance écrivent à un rythme soutenu… C’est de la folie quand on sait que la plupart sont autoédité·es et doivent, en plus, gérer les tâches éditoriales en parallèle. Je suis admiratif. Je comprends aussi pourquoi beaucoup d’entre elleux finissent par souffrir d’un burn-out. C’est un rythme qui n’est pas soutenable sur le long terme. Pour soi et pour la qualité de son travail.

Mais le marché impose ce rythme. D’autant que ces autrices-là vivent de leur écriture. C’est leur métier. Il faut faire les sacrifices nécessaires, au risque d’être oubliée par son lectorat et les algorithmes d’Amazon.

Nash note aussi qu’elle voit ses revenus baisser et qu’elle va devoir envisager de sortir de Kindle Unlimited. En tant que lecteur-baleine de romances gays, j’adore KU, mais je suis aussi conscient du fait que les auteurices reçoivent la moitié de ce qu’iels gagnent habituellement quand on achète le livre (au lieu de l’emprunter). KU amène davantage de lecteurices, c’est vrai, mais ce n’est pas toujours suffisant pour compenser. 

Nous vivons des temps où il n’est pas bon d’être un·e artiste…


Samedi 18 novembre

Le premier tome de la série Like Us: Billionaires & Bodyguards des jumelles Ritchie manque de focus et les dialogues n’ont pas toujours le mordant attendu. 

L’idée de départ est bonne : raconter les histoires d’amour d’un clan de célébrités américaines. À travers plusieurs tomes, on suit les aventures des différents cousins et cousines avec leurs gardes du corps. Les personnages sont intéressants ; les dynamiques intrigantes. 

Mais la première histoire (celle de Maximoff et de Farrow) s’étend sur trois volumes… c’est un peu longuet. 

Plus il y a de tomes, plus le risque de déperdition est important : il n’est pas rare de perdre jusqu’à la moitié des lecteurices entre le premier et le second roman. Le déclin est inévitable… C’est pour cela qu’il vaut mieux prévoir des histoires qui tiennent en un volume et qui peuvent se lire indépendamment. La lectrice doit pouvoir entrer à n’importe quel moment de la série sans avoir à se taper des histoires qui ne l’intéressent pas : c’est d’autant plus vrai si la série mélange romances hétéros et queer, comme c’est le cas ici.

J’ai donc été surpris par le choix éditorial de Krista et de Becca Ritchie… L’écriture de ce premier tome appelait peut-être une publication morcelée et régulière (chaque semaine, un ou plusieurs chapitres, par exemple). L’intérêt d’une série comme celle-ci, c’est qu’elle contient en son sein la promesse de ne jamais se terminer.


Dimanche 19 novembre

À quoi reconnait-on un monde où les inégalités vont grandissant ? Au fait que les milliardaires ont remplacé les millionnaires dans les romances. 

C’est terrible, on n’en parle pas assez : les millionnaires sont devenus une espèce menacée. On n’en trouve presque plus. Ils ne font plus rêver : pour un peu, on les croirait pauvres.

« Milliardaire » est donc le nouveau mot tendance qui cristallise les fantasmes de notre époque, si bien qu’on le met à toutes les sauces. Le protagoniste est un génie du business ? C’est un milliardaire. Il fait partie d’une famille puissante et influente ? C’est un milliardaire. Il est jeune et sexy ? C’est un milliardaire.

Certain·es auteurices semblent incapables de comprendre ce qui se cache derrière ce mot. Par exemple, on ne devient pas milliardaire en dix ans à peine quand on est vraiment parti de rien (à moins d’être un gangster de première classe). 

Certains milliardaires que l’on découvre dans les pages des romances ne sont que des millionnaires déguisés. Leur train de vie n’est pas celui des 1 %, mais ce n’est pas grave : si la romance se voulait réaliste, ça se saurait.

Quand on voit qui sont les milliardaires dans le monde réel, comment ils se sont enrichis dans certains cas (dodgy, dodgy, dodgy), j’ai du mal à voir comment ils peuvent nous faire fantasmer. I mean… Elon Musk ? Jeff Bezos? Mark Zuckerberg ? Bernard Arnault ! Yes, please, choke me, daddy.