Tu peux trouver une version éditée de ce journal dans ma newsletter (Substack).
La version intégrale (fautes et anglicismes inclus) est disponible dans mon jardin numérique, Sylves. La publication s’y fait au jour le jour. J’applique ici l’orthographe rectifiée.
Bonne lecture – Enzo.
Mercredi 01 novembre
Halloween est une importation américaine qui me laisse froid. On sent que les marketeux essayent de l’installer en Angleterre, car il y a de l’argent à faire, mais il ne s’agit pas d’une tradition anglaise. Heureusement, personne n’est venu frapper à notre porte, cette année.
Jeudi 02 novembre
Je pense qu’on finira par réaliser que la déprime hivernale, dans la région, est causée par le changement d’heure. N’importe quel humain perd le goût de vivre quand il fait nuit à dix-sept heures. Dix-sept heures !!!
Vendredi 03 novembre
Le journal de Thierry Crouzet est rempli de son obsession pour les IA et comment celles-ci peuvent révolutionner le travail de l’écrivain. C’est une démarche intéressante, certainement avant-gardiste, mais qui me parle assez peu. Je dois être un dinosaure… C’est le problème quand on a fait des études de lettres classiques, on est, pour toujours, coincé à l’âge du roseau et du bambou.
Évidemment, l’IA est destinée à être une compagne d’écriture. Ceux qui le nient sont dans le déni… Il suffit de regarder autour de nous : combien d’écrivain·es refusent d’utiliser un ordinateur de nos jours ? Personne ne trouve scandaleux d’employer Antidote pour traquer les erreurs de langue. Pourtant, on pourrait considérer que le premier devoir d’un·e écrivain·e est d’avoir une connaissance parfaite de son outil, c’est-à-dire la langue dans laquelle iel écrit… Et qu’être aidé·e dans ce domaine, c’est de la triche.
Pour le moment, on ne sait pas comment ni pour quoi on utilise les IA… Mais très vite, des usages vont émerger et s’imposer.
Peut-être assumeront-elles les fonctions d’un·e éditeurice (après tout, le travail sur manuscrit est devenu une rareté dans le milieu éditorial contemporain). Peut-être remplaceront-elles Antidote. Peut-être seront-elles indispensables lors des étapes liminaires de la création.
Peut-être même écriront-elles des pans entiers de l’histoire… et l’auteurice (humain·e) sera comme ces peintres de la Renaissance qui ne peignaient qu’un détail du tableau, pendant que le reste était préparé par une armée d’apprentis.
Oui, la qualité baissera peut-être… et ce qui sera publié n’aura pas d’âme. Mais reconnaissons que nous en sommes déjà là et que nous n’avons pas eu besoin des IA pour nous mettre dans cette situation…
Puisque j’aime voir le verre à moitié plein, je pense que les IA joueront un rôle capital dans l’apprentissage des nouvelles générations d’auteurices…
L’écriture est souvent un voyage solitaire… Avoir un Virgile (même désincarné) pour nous guider et nous tenir la main rendra le périple plus agréable et moins hasardeux.
Samedi 04 novembre
J’en suis arrivé au stade du projet où ce que j’écris me déçoit, car ce n’est pas ce que j’avais en tête. Ça ne veut pas dire que c’est mauvais, c’est juste… différent. Mais cela suffit pour me faire procrastiner.
Dans ces moments-là, l’arrêt, temporaire ou définitif, est un risque… que je ne sais toujours pas éviter, après deux décennies de pratique.
Dimanche 05 novembre
Avec mon caractère obsessionnel, il m’arrive de faire un marathon où je regarde plusieurs séries d’un même acteur. Ce week-end, c’était le beau Taïwanais Fandy Fan (范少勳), que j’avais découvert il y a quelques années dans History 2.
Petit marathon qui n’a consisté que de deux séries : The Way You Shine (2023) et More than Blue (2021).
More Than Blue était dans ma liste des séries à regarder, mais cela faisait plusieurs mois que je retardais ce moment fatidique, et à raison : le trailer était extrêmement triste. Je savais donc que j’allais être bouleversé : c’était une histoire d’amour qui finirait mal (le protagoniste succombant à une leucémie)…
Mais en réalité, la série est bien plus riche que cela, l’écriture tout aussi remarquable que le jeu des acteurs. On suit deux histoires en parallèle : un producteur de musique (Po Han) et son assistante (Yi Qi) recherchent le copyright d’une chanson qu’on leur a envoyée… Ils apprennent que le compositeur (K) et la parolière (Cream) sont décédés quelques années plus tôt et qu’il s’agit de leur dernière collaboration. K est mort de la leucémie et Cream se serait suicidée quelque temps plus tard. Personne ne sait qui détient le copyright de la chanson. Po Han et Yi Qi mènent donc l’enquête. Très vite, ils parviennent à mettre la main sur le journal de K… Et la série alterne donc scènes du passé, qui nous montrent l’histoire d’amour de K et de Cream, et le présent où l’on suit la relation naissante entre Po Han et Yi Qi. Chaque couple doit faire face à la tragédie. Chaque épisode nous déchire le cœur et nous le rafistole. On pleure mais on rit aussi. C’est extrêmement cathartique.
L’histoire de K et de Cream est semblable à la peau d’un ognon : chaque épisode explore une couche de cette émouvante tragédie, et, à chaque fois, nous devons réécrire, réévaluer ce que l’on savait de leur histoire. Dans More Than Blue, rien n’est jamais ce qu’il parait. Mais malgré leurs faux-semblants, les personnages sont honnêtes : la puissance de leurs sentiments ne ment jamais.
Fandy Fan est sublime dans le rôle de K. Mais les autres acteurices sont tout aussi bouleversant·es : Ivy Shao est déchirante dans le rôle de la mère célibataire ; Eleven Yao et Figaro Tseng (le troisième couple) nous troublent par leurs désirs, tantôt égoïstes, tantôt altruistes. Le jeune acteur Bai Run Yun, qui joue Ke Le, nous fait sentir la peur enfantine de la mort et impressionne par son jeu déjà mâture.
Cette série est une adaptation d’un film Coréen du même nom, sorti en 2009.