Journal de mai 2024

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Lundi 13 mai

« Dasha Mahâvidyâ » est le nom donné aux déesses de la sagesse dans la tradition tantrique. 

Elles sont au nombre de dix : Kali (la Noire), Tara (l’Étoile), Tripura Sundari (la Splendeur des Trois Villes), Bhuvaneshvari (la Maitresse du Monde), Bhairavi (l’Invincible), Chinnamastâ (la Décapitée), Dhumavati (la Veuve), Bagalamukhi (la Paralysante), Matangi (la Pensée) et Kamala (la Déesse au Lotus).

Mardi 14 mai

Je n’avais pas fait de séance de Qi Gong depuis longtemps. 

Ce matin, j’ai pris quinze minutes pour suivre une vidéo de Kseny sur YouTube, où elle se concentrait sur les épaules et les hanches. 

Chaque fois que je pratique, ça me remplit de joie : c’est simple à faire, les mouvements n’ont pas besoin d’être parfaits ; l’essentiel, c’est d’activer ces muscles qui ne sont pas assez sollicités au quotidien afin de les renforcer. Tout se fait en douceur. Parfait pour une morning routine !

Je dois avouer que le discours sur les énergies, qui accompagne les mouvements, m’amuse beaucoup aussi. J’y suis maintenant habitué. J’apprécie de plus en plus le côté poétique du Qi Gong (de même que je trouve certains aspects de la culture chinoise très poétique). Ça décentre mon regard sur le monde.

Mercredi 15 mai

Discussion au bureau. 

Ma collègue, une nationaliste et conservatrice qui s’ignore, croit que les fabricants d’armes ne travaillent que pour la gloire nationale et la défense du pays. Elle n’aime donc pas l’occupation pacifique de notre campus par celleux qui protestent contre le génocide de Gaza (et les liens — directs ou indirects — de notre université avec l’industrie de l’armement). Évidemment, c’est oublier que ces entreprises sont internationales et que leur commerce ne connait pas de frontières. Quand on soutient la production d’armes au nom de l’intérêt national, on se leurre si on croit que ces mêmes armes ne sont pas vendues à nos ennemis aussi. 

Si vis pacem, para bellum. « Si tu veux la paix, prépare la guerre », me dit cette collègue, non sans fierté, en anglais évidemment (elle ne connait pas le latin).

C’est triste qu’en 2024, nous puissions encore croire à la véracité d’un adage hérité d’une civilisation impérialiste et belliqueuse, qui n’a connu que peu de moments de paix au final.

Jeudi 16 mai

Les nouvelles vidéos promotionnelles d’OpenAI, où l’on voit des employés converser tranquillement avec Chat GPT-4o (« o » pour omni – c’est-à-dire « tout » !), m’ont glacé le sang. 

Je suis aussi admiratif et émerveillé, évidemment. Comment ne pas l’être devant une telle avancée technologique ? 

Mais je n’ai pas besoin d’être pessimiste pour voir que nous allons droit dans le mur. 

Ce qui me dérange le plus, c’est cette volonté du néolibéralisme de se débarrasser de l’humain au sein même de l’activité humaine. De créer un simulacre d’humanité, avec la voix et les intonations de phrases qui rassurent. 

Appliquée à la science, l’IA est une bénédiction… mais utilisée à des fins commerciales, pour divertir les masses, c’est un cauchemar sans fin : d’autant plus si ces masses finissent sans emploi.

J’aimerais croire que l’IA nous libèrera des chaines du travail abêtissant et inaugurera un nouvel âge d’or pour l’humanité… mais le néolibéralisme s’assurera que cet outil est utilisé pour mieux diviser et accroitre les inégalités.

Vendredi 17 mai

La première chose à laquelle j’ai pensé en regardant ces vidéos d’OpenAI, ça a été : « Ah ! Bientôt, nous n’aurons plus besoin de nous faire de nouveaux amis. Finies les conversations frustrantes avec des bas du front qui ne partagent pas nos valeurs ! »

Mais, en même temps, ai-je envie d’une IA qui me connait si bien qu’elle me dit tout le temps ce que je veux entendre ?

Samedi 18 mai

Journée à Londres. 

Passé par Foyles où j’ai acheté trois livres : Written. How to Keep Writing and Build a Habit that Lasts (Bec Evans & Chris Smith, Janvier 2023); The Sense of Style. The Thinking Person’s Guide to Writing in the 21st Century (Steven Pinker, 2014); et, en français : Jung. Un Voyage vers soi (Frédéric Lenoir, 2021).

Je ne connais pas Frédéric Lenoir, mais je souhaitais lire un essai écrit en français (pour une fois), et c’était le seul ouvrage qui me faisait vraiment envie. 

La sélection de livres en français chez Foyles, de taille très respectable pour une librairie généraliste anglaise, suscite rarement mon intérêt : c’est le plus souvent un mélange de classiques étudiés dans les départements de français des universités anglaises ou au programme des lycées français, et un échantillon des meilleures ventes en France, au format poche (avec quelques traductions de l’anglais en SFFF et en polar).

Dimanche 19 mai

« La langue n’est pas un protocole légiféré par une autorité, mais plutôt un wiki qui rassemble les contributions de millions d’écrivains et de locuteurs, qui ne cessent de plier la langue à leurs besoins et qui, inexorablement, vieillissent, meurent et sont remplacés par leurs enfants, qui adaptent la langue à leur tour. » (Steven Pinker, The Sense of Style, trad. DeepL & E.D.)