Lundi 06 mai
« Nous aurions estimé qu’il était non seulement incorrect, mais désagréable de ne pas travailler tous les matins, sept jours par semaine et environ onze mois par an. Par conséquent, tous les matins, vers 9h30, après le petit-déjeuner, chacun d’entre nous, comme s’il était mû par une loi naturelle incontestable, partait travailler jusqu’à l’heure du déjeuner, à 13 heures. Il est surprenant de voir tout ce que l’on peut produire en un an, que ce soit des brioches, des livres, des pots ou des tableaux, si l’on travaille dur et avec professionnalisme pendant trois heures et demie chaque jour pendant 330 jours. C’est pourquoi, malgré ses infirmités, Virginia a pu produire tant de choses. » (Leonard Wolf, cité par Oliver Burkeman)
Mardi 07 mai
« Fondamentalement, l’écriture c’est du sens sur du rythme. Du sens qui se livre selon des accélérations et des retards provenant de la syntaxe. » (Jean Guenot)
Selon Guenot, il y a quatre paramètres à prendre en compte dans l’écriture : la durée, le ton, la présence et le grain.
« Deux de ces facteurs, en effet, la présence et le ton, sont souvent présents dès le premier jet. Les deux autres, en revanche, peuvent plus facilement s’améliorer à la relecture, par la correction consciente : la cadence et le grain. » (Louis Timbal-Duclaux, in Le travail du style littéraire)
Mercredi 08 mai
« Mais j’ai promis que nous allions concéder une différence majeure entre les genres de la science-fiction et de la fantasy. Et c’est ce que nous allons faire. Tout le monde est prêt ? La voici : les gens n’ont pas le même rapport à la science-fiction et à la fantasy.
Je sais : c’est révolutionnaire. Mais sérieusement. Le technobabillage est peut-être, à tous égards, la même excuse que le “c’est de la magie” [de la fantasy], simplement accompagnée de mouvements de mains plus raffinés. Mais les explications (pseudo-)scientifiques flattent la sensibilité de certains lecteurs qui auraient autrement plus de mal à adhérer à un postulat qui n’est pas légitimé par une explication rationnelle. (…) Nous vivons dans des sociétés relativement rationalistes — et il convient de noter ici la différence entre “rationaliste” et “rationnel”. Nous aimons donc être rassurés sur le fait que nous ne sommes pas en présence d’une escroquerie à visage découvert. L’explication à l’apparence rationaliste et scientifique place ses impossibilités dans le continuum des progrès scientifiques et technologiques de l’ère moderne. Certes, ce n’est pas possible aujourd’hui, mais cela pourrait l’être dans le futur !
Cette préoccupation s’est même infiltrée dans la fantasy et ses “magies dures”, rationalisées et limitées par des règles, d’où le corolaire de Larry Niven [à la troisième loi d’Arthur C. Clarke] : “toute magie suffisamment analysée est indiscernable de la science”. »
(Kristen Patterson, « Let’s Start a Fight: Are Science Fiction and Fantasy the Same? », article publié dans le magazine en ligne Reactor le 7 mai 2024)
Jeudi 09 mai
Comment ne pas donner raison à Kristen Patterson quand on entend les réactions de certains lecteurs de SF (souvent des hommes, d’ailleurs) devant un texte de fantasy ?
On pourrait croire que tous les genres des littératures de l’imaginaire sont égaux, mais ce n’est pas le cas. Même à l’intérieur de la communauté de SFFF !
Au final, il s’agit d’une extension, appliquée au champ littéraire, du snobisme que l’on observe chez certains représentants des sciences de la nature et des sciences formelles qui considèrent que les sciences humaines et sociales ne sont pas de vraies sciences.
(Nul doute que ces gens-là parleront de « sciences dures » et de « sciences molles », excités à l’idée qu’ils puissent posséder quelque chose de « dur » dans leur arsenal personnel.)
Vendredi 10 mai
Lorsque je médite, je n’arrive pas à faire le vide dans mon esprit. Les pensées se présentent, telles des sirènes, et je me mets à divaguer.
Quand je surprends cette distraction, je suis tenté de m’agacer : la méditation, c’est trop dur, je n’y parviendrai jamais.
En réalité, chaque fois que je remarque ces pensées parasites, ce n’est pas le signe d’un échec, mais celui d’une victoire. La preuve que, pendant une fraction de seconde, j’ai vécu un moment de pleine conscience.
Si je souhaite faire de la méditation une activité pérenne, je dois multiplier ces associations positives.
Au fond, ce principe s’applique pareillement à l’écriture : la frustration et la négativité qu’on finit par associer à cette activité n’encouragent pas un cerveau réfractaire à s’y adonner. Au contraire, elles mènent tout droit à la procrastination et aux autres stratégies d’évitement.
Samedi 11 mai
Hier, je me suis réveillé de mauvaise humeur. J’ai écrit quelques lignes dans mon journal, ce qui n’a fait qu’empirer mon état, car je me suis mis à penser à ce qui me tracassait depuis plusieurs semaines.
En milieu de matinée, j’étais au bord de la panique, ayant laissé mes pensées négatives prendre des proportions épiques : je haïssais tout le monde, j’étais coincé dans mon boulot, ma vie était fichue. I kid you not. Une seule solution : prendre congé de cette existence. De manière définitive.
Prenant conscience que j’étais certainement épuisé par ma longue semaine et, en particulier, la veille que j’avais passée en réunions (plus de six heures en tout), j’ai décidé que j’avais besoin d’une boisson énergisante.
N’importe qui se tournerait vers le café : mais comme je n’en bois plus depuis des lustres, une seule tasse suffit à mettre le feu aux poudres, avec palpitations et tout le tintouin. Ce n’était clairement pas ce dont j’avais besoin vu mon état.
J’ai fini par mettre la main sur un fond de yerba mate. Mon mari n’avait pas tout terminé, heureusement (pour lui et pour moi).
Le mate est similaire au café en ce que c’est une boisson énergisante, mais, contrairement à ce dernier, elle n’est pas anxiogène.
Je ne saurais décrire le changement radical de mon humeur après avoir bu une tasse de maté. Là où j’étais incapable de contenir ce qui ressemblait étrangement à des pensées suicidaires, je suis revenu à un état plus normal où j’étais capable de regarder mes problèmes avec assez de distance pour rester calme et, oserais-je dire, optimiste.
C’est comme si j’avais été jusqu’alors sous l’emprise d’un sort, et qu’il était soudainement levé.
Dimanche 12 mai
Quand je considère l’addiction de notre société à la caféine, sans laquelle les gens affirment ne pas pouvoir « fonctionner », je me dis que nous vivons dans un monde de fous où le rythme est à ce point effréné que nos capacités naturelles sont devenues insuffisantes…
En vouant un culte aux dieux Argent et Productivité, nous créons un véritable enfer sur Terre. Nous prétendons que des alternatives plus saines et plus respectueuses de notre environnement et de nos vies n’existent pas.
Voulons-nous vraiment vivre dans ce genre de monde ? Aux armes, citoyen·nes !