Journal d’avril 2024

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Lundi 22 avril

Quand l’amertume remplace mon enthousiasme et que je cesse d’être généreux et compatissant envers autrui, je comprends qu’il est temps de faire une pause afin de me ressourcer. Si la pause ne suffit plus, il faut alors considérer des pâturages plus accueillants. 

Inévitablement, nos valeurs sont mises à mal par l’environnement dans lequel on évolue. Au final, un choix simple s’offre à nous : soit on reste et on court le risque de renier ces valeurs qui sont si importantes à nos yeux, soit on s’en va, dans l’espoir que le changement de cadre (et de collègues !) nous permettra de préserver nos ambitions vertueuses.

Mardi 23 avril

J’adore les mélodrames, surtout quand ils sont bien faits. J’accepte volontiers de suspendre mon incrédulité le temps d’un épisode ou plusieurs (j’adore les séries coréennes over the top). 

Je me demande ce qu’il faudrait faire pour écrire une romance mélodramatique qui fascine les lecteurices au lieu de les rebuter. Peut-on récupérer tous les lieux communs d’un genre, s’amuser avec, sans tomber dans les clichés les plus insupportables ? Faut-il écrire dans la veine mélodramatique avec sérieux ou avec ironie ? Comment gagne-t-on la confiance de son lectorat avec un tel projet ?

Mercredi 24 avril

« Nous devons accepter ce qui arrive (…). L’adepte du Tao garde le silence [au lieu de se plaindre] et se prépare. L’acceptation n’est pas synonyme de fatalisme. (…) L’acceptation est un acte dynamique. Elle ne doit pas être synonyme d’inertie, de stagnation ou d’inactivité. Il faut simplement vérifier ce que la situation exige et mettre en œuvre ce que l’on pense être le mieux. Tant que l’on agit en accord avec le temps et que l’on est méticuleux, l’action est correcte ».

– Deng Ming-Dao, 365 Tao: Daily Meditations (trad. DeepL & ED)

Jeudi 25 avril

Je viens de finir l’épisode 5 de Gray Shelter : parce qu’elle n’a qu’une poignée d’épisodes, cette série gay coréenne est intense, mais aussi frustrante. Quand l’histoire est sur le point de devenir passionnante, voilà qu’elle se termine. 

J’aurais voulu un épisode supplémentaire afin de permettre une meilleure évolution des personnages et de leurs sentiments. J’espérais une fin plus satisfaisante, tout en me doutant que je ne l’obtiendrais pas : l’ambition de cette série était de poser le cadre (un « gray shelter ») et de formuler des questions sans pour autant s’efforcer d’y répondre. 

Ces deux âmes abimées par la vie peuvent-elles connaitre le bonheur après tant d’infortune ? Peut-être. Le reste est laissé à notre imagination.

Vendredi 26 avril

Je viens de relire les morning pages que j’ai rédigées il y a un mois pile. Impression de lire le journal d’un autre. C’est moi, mais ce n’est déjà plus moi. Tant de chemin parcouru ! 

Pourtant, au quotidien, je suis le même qu’hier, celui qui était le même que le jour d’avant, etc. Si on n’y prend garde, cette impression d’unité finit par masquer les mille révolutions qui nous bouleversent. 

Notre mémoire n’est pas la gardienne du passé, mais la protectrice de notre identité : tout ce qui pourrait menacer l’intégrité du moi est savamment édité ou commodément oublié.

Samedi 27 avril

Hier, j’ai reçu ma nouvelle boite de thés « discovery ». Au mois de mars, c’était l’Asie. Ce mois-ci, c’est un voyage en Amérique du Sud : du thé blanc et du thé noir de La Cumbre (Colombie), ainsi que du thé vert et du thé noir de Registro, une ville située dans la région de São Paulo (Brésil).

Je n’ai gouté que le Bitaco Special White de Colombie pour le moment. La cueillette date de février 2024. C’est doux, fruité. Délicieux. 

Pour reprendre les mots de Curious Tea : « Les grandes feuilles semi-oxydées produisent une liqueur fruitée aux saveurs équilibrées et à l’arrière-gout réconfortant. »

Dimanche 28 avril

Dans une édition de sa newsletter The Imperfectionist, Oliver Burkeman, l’auteur de Four Thousand Weeks (que je recommande), donne trois conseils d’écriture « qui ont eu un effet notable sur sa productivité d’écrivain » :

  • Good writing is pointing out – bien écrire, c’est montrer la direction à quelqu’un, lui indiquer ce qu’il doit remarquer, car c’est intéressant. Bien écrire, c’est ne pas perdre son lecteur dans les méandres d’une phrase obscure (coucou, les universitaires) ; ce n’est pas non plus le manipuler afin d’attiser sa colère (coucou, les journalistes).

  • Stopping is as crucial as starting – il faut s’arrêter d’écrire une fois qu’on a atteint l’objectif de sa session d’écriture, même si l’inspiration nous pousserait à continuer. Pourquoi ? Parce qu’en continuant, l’auteurice renforce ses pires impulsions. C’est seulement en arrêtant qu’iel cultive la patience, une vertu nécessaire à l’accomplissement de tout projet d’écriture. Des petites sessions d’écriture (1) nous rappellent que l’écriture est une activité modérément centrale à notre vie, ce qui diminue le risque de la trouver intimidante.

  • If you’re staring at a blank page, you’re doing it wrong – c’est là qu’entre en scène le jardin numérique. L’idée, c’est de créer un système où, plutôt que de se concentrer sur le projet final (un article de blog, une nouvelle, etc.), on rassemble ses idées et les développe, dans un effort continu et itératif. Ainsi, « la rédaction d’un article n’est que l’étape finale du processus, qui consiste à rassembler les différents points de vue, faits et citations que vous avez collectés et qui se sont fertilisés pendant des mois. » Le jardin numérique est parfait pour la non-fiction, mais peut aussi servir à l’écriture fictionnelle (cf. Lionel Davoust

(1) Selon le Professeur Robert Boice (cf. How Writers Journey to Comfort and Fluency: A Psychological Adventure) : 

« Pace yourself. Work in brief, regular sessions, 10-50 minutes in length, no more than 3-4 hours a day, 5 days a week. Use a timer to help yourself keep the sessions brief, and take breaks between each. »