Lundi 24 avril
Comment savoir si le choix de ne pas agir est motivé par la prudence ou la paresse ?
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Ces dernières années, j’utilise « I can’t be arsed » pour décrire ma manière de fonctionner… mais il se pourrait que j’aie simplement appris à prendre soin de moi.
Mardi 25 avril
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Mercredi 26 avril
Dans l’une de ses dernières vidéos, Impératrice Wu fait remarquer que, si un jeune homme asiatique est beau, les Français considèrent qu’il est soit japonais, soit coréen, mais s’étonnent (refusent de croire ?) qu’il puisse être chinois.
Elle va même plus loin : aux yeux des Français, les cultures japonaises et coréennes seraient supérieures à la culture chinoise (dire « les cultures chinoises » serait certainement plus juste tant ce pays est grand et varié).
Grâce à la Hallyu (la vague coréenne), qui est arrivée ces dernières années sur nos rivages européens, après avoir submergé l’Asie tout entière, la France commence à développer un intérêt (voire une obsession) pour la Corée du Sud, qui n’est qu’une extension de la passion pour le Japon que notre pays entretient depuis des décennies. K-dramas, K-pop, manhwa… la production culturelle coréenne est d’excellente qualité et à même de rivaliser avec la production occidentale.
Qu’en est-il de la Chine ? Considérer sa culture comme inférieure à celle de ses pays voisins (= un renversement de la vision traditionnelle en place en Asie depuis des siècles) ne peut s’expliquer que par la politique isolationniste du pays au XXe siècle, le fait que ce qu’on y produit soit considéré en Europe comme « bon marché » (et donc de piètre qualité) et le fait que la Chine, énorme pays, se suffit à elle-même : sur le plan culturel, elle n’a pas besoin du marché international pour se développer ; elle n’a aucune raison d’aller charmer l’Occident.
La géopolitique actuelle ne devrait pas améliorer l’image de la Chine en France… Le racisme anti-chinois a encore de beaux jours devant lui ; seule différence peut-être : le mépris a laissé place à la crainte.
Tout cela me déprime.
Jeudi 27 avril
Pendant de nombreuses années, j’ai écrit pour A., pour lui faire plaisir, pour l’épater, pour la distraire. Que je sois d’accord ou non avec ce qu’elle disait, je faisais confiance à ses retours de lecture, à son jugement.
Depuis qu’elle s’est retirée pour fonder une famille, le vide qu’elle a laissé est difficile à combler. Je dois réapprendre à écrire pour moi. Trouver en moi la motivation qu’elle suscitait. Je n’ai jamais été aussi productif que lorsqu’elle était à mes côtés. Je ne voulais pas la décevoir ; grâce à elle, à sa présence, à ses coups de pied et ses coups de gueule, j’ai terminé de nombreux projets.
Parfois, je m’inquiète à l’idée que je ne puisse plus rien terminer, que je sois condamné à attendre qu’elle revienne à l’écriture… Une sorte de purgatoire littéraire. En attendant Clara Vanely.
Je n’aime pas cette dépendance (je ne l’aimais pas plus dans le passé, d’ailleurs, mais j’avais l’impression que nous faisions de grandes choses ; mes chaînes étaient douces).
Vendredi 28 avril
Tenir un journal public, c’est être condamné à toujours avoir en tête les réactions possibles des lecteurices. Que vont-elles penser si j’écris ceci ? Vont-ils s’agacer si je parle encore de ça ?
La peur du ridicule fait des bulles en fond d’estomac, mais le mieux est de l’ignorer : si on l’écoute, on ne fait rien. S’empêcher d’écrire est pire que d’être l’objet de moqueries. Quoi qu’en dise l’esprit sur le moment, le ridicule est moins dangereux que le refus de s’épanouir : à trop vouloir plaire aux autres, à trop se soucier de sa réputation, on passe à côté de sa vie.
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Oui, c’est décidé : je vais me remettre au Mandarin. (Surprise !)
Samedi 29 avril
Je voudrais pouvoir garder l’état d’esprit du vendredi soir, après que j’ai joué à l’Euromillions et imagine une vie faite de mille possibles. Cette légèreté, cet optimisme, cette absence momentanée d’inquiétudes…
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Le samedi matin, au réveil, ma vie est identique à ce qu’elle était la veille : je n’ai pas gagné à la loterie ; mon existence se poursuit, confortable mais ennuyeuse. L’espoir d’un changement radical a disparu. Me voilà, à nouveau, pris dans le marasme de l’âme.
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Alors que la probabilité de remporter le jackpot est quasi nulle, il est possible de conserver une certaine insouciance de l’esprit et de cultiver une vision positive de son existence.
L’optimisme émerveillé entretient peu de rapport avec ce qui l’entoure. Il s’agit d’une disposition intérieure qui ne dépend que de nous.
Dimanche 30 avril
J’avais lu la moitié de Big Magic d’Elizabeth Gilbert avant d’arrêter ma lecture. J’en avais gardé une assez mauvaise impression. Peut-être attendais-je un nouveau Bird by Bird, un ouvrage qui changerait radicalement ma manière de considérer ma créativité.
J’ai repris ma lecture il y a quelques jours. C’est exactement le type de discours dont j’ai besoin en ce moment : l’opinion que je m’étais faite de ce livre me semble maintenant erronée, presque injuste. Là où je ne voyais que facilité, j’y trouve du bon sens, et même un peu de sagesse.
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Du coup, à la lumière de cette expérience, peut-être devrais-je redonner une chance à l’essai de Lewis Hyde, The Gift. Un auteur dont les livres me sont, à deux reprises, tombés des mains.