Journal d’avril 2023

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Tu peux trouver une version éditée de ce journal dans ma newsletter (Substack)
La version intégrale (fautes et anglicismes inclus) est disponible dans mon jardin numérique, Sylves. La publication s’y fait au jour le jour.

Bonne lecture – Enzo.


Lundi 3 avril

Si je vis suffisamment longtemps, j’aimerais être comme ces séniors qui sont anarchistes, radicaux, désobligeants, ouverts d’esprit, progressistes, optimistes, et qui se délectent de voir la jeunesse bâtir le monde de demain sans amertume ni nostalgie du passé. En somme, je ne veux pas finir vieux con, même si je sens qu’il me serait facile de le devenir.

Je souhaite que les déceptions de la vie n’érodent pas ma bienveillance et ma générosité d’esprit. Si je devais mener un seul combat, ce serait contre l’aigreur qui s’installe avec l’âge.


Mardi 4 avril

À nouveau, je succombe au plaisir onaniste de la création d’un monde secondaire : je pourrais y passer tout mon temps libre et perdre de vue la finalité de cette pratique. Créer un monde ex nihilo sans se donner la peine d’écrire les histoires auxquelles il est supposé offrir un cadre.

Ces réflexions ne valent la peine que si elles sont suivies des faits. En somme, si elles ne sont pas stériles, si elles servent l’acte d’écrire.

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Peut-on envisager une civilisation moderne qui ne serait pas passée par une révolution industrielle ? Peut-on imaginer la modernité sans ses avancées technologiques ? Pour jauger un monde imaginaire, savoir s’il est vraisemblable, nous en sommes réduits à le comparer au seul que nous connaissons. J’envie les auteurices qui semblent capables, par la seule puissance de leur imagination, de sortir des limites que ce monde-ci nous impose.


Mercredi 5 avril

Selon mon profil psychologique (fourni par mon travail, merci pour ce petit cadeau), mon Myers Briggs Type Indicator est INFJ, ce qui signifie que je suis orienté vers : Introversion, Intuitive, Feeling, Judging (Introversion, Intuition, Sentiment, Jugement). 

Si les Coréens sont fanas du Myers Briggs et semblent tout comprendre dès qu’ils entendent ces quatre lettres, dans mon cas, ça ressemble davantage à un code dont seule la première clef me serait intelligible : introversion.

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Susan Cain cherche à atténuer la culpabilité que nous éprouvons en vivant dans une société qui valorise principalement l’extraversion, c’est là tout l’intérêt de Quiet. Même si je ne vis pas aux États-Unis (où tout est pire, semble-t-il), la culture occidentale, même en Europe, surestime la valeur des extravertis et voudrait que les introvertis cessent de l’être, nous donnant l’impression de ne jamais être assez. Pour qu’une société vive en harmonie, soit réellement riche, il faut que tous ceux et celles qui la composent soient respectés et valorisés — c’est ça, l’inclusion. (I know, I know… Je suis un dangereux wokiste.)


Jeudi 6 avril

Il y a des jours où ma vie est à ce point banale et monotone que je ne trouve rien à écrire dans ce journal ouvert. 

Je scrolle Twitter en espérant trouver un sujet qui m’inspire, puis je me rappelle que je ne devrais pas passer ma vie sur ce site (surtout depuis qu’un chien jaune a remplacé l’oiseau bleu — blagounette d’un Elon Musk à la dérive).


Vendredi 7 avril

Quand nous allons au Costa ou au Starbucks du coin, D. & moi rêvons à ce que nous ferons dans quelques années. 

Sheffield fait office de lieu de résidence temporaire, nous ne nous y voyons pas sur le long terme. Un déménagement finira par avoir lieu : quand et vers où ? C’est un mystère. J’aimerais tenter un autre pays, voire un autre continent, même si je sais que la vie n’y est pas meilleure. On peut changer l’environnement, mais on embarque toujours son cerveau (et donc ses problèmes) avec soi.

Ma vie à Sheffield ne m’inspire pas. Elle est très confortable (au point que je pourrais être ici dans dix ans), mais elle ne me fait pas rêver. Or, j’ai besoin d’enchanter mon quotidien pour le supporter. Sheffield, gris et industriel, se refuse à toute forme d’enchantement. Et la tyrannie du Brexitland, depuis quelques années, empêche que l’on s’y sente bien.


Samedi 8 avril

Toujours beaucoup de joie quand je visite Lincoln, en particulier la ville haute. Pendant quelques heures, je rêve d’y habiter. Cette ville (à une heure de Sheffield) me rappelle Oxford, c’est certainement la raison pour laquelle j’y suis à ce point attaché. Je la préfère à York, qui a l’inconvénient d’être extrêmement touristique.

Quand on vit au quotidien dans un endroit, il faut se méfier du tourisme. Le centre-ville d’Oxford, passé 11 heures, n’était plus fréquentable, surtout en été, quand les hordes de touristes débarquaient par bus entiers. Je déteste les foules. Heureusement, nous étions matinaux et visitions les magasins et la bibliothèque municipale dès leur ouverture. Dans quelques mois, ça fera cinq ans que j’ai quitté Oxford et que je n’y ai pas remis les pieds : à l’occasion, on parle d’aller y passer la journée, voir une expo à l’Ashmolean, se balader dans des petites rues (et rêver de Dormeveille College).


Dimanche 9 avril

Est-ce que je radote ? Aujourd’hui, je vais éditer le journal du mois de mars, ce qui me permettra de le vérifier… mais comme j’ai oublié ce que je disais en janvier et en février, cette vérification ne sera peut-être pas concluante. J’espère que les lecteurices ont une mémoire aussi mauvaise que la mienne… ou plutôt qu’iels s’en fichent un peu, me lisant entre deux tweets ou posts Facebook, sans grande attention (seule manière agréable de lire ce journal quand on n’en est pas l’auteur).