Lundi 23 octobre
Un jour, j’écrirai certainement une romance gay où le personnage principal est laid. La plupart des romances nous vendent des hommes parfaits, à la beauté sculpturale, tout en nous faisant croire que c’est la beauté intérieure qui compte (LOLZ).
Mais quid des autres ? Les moches, les médiocres, les malaimés ? Pourquoi n’ont-ils pas droit à leur histoire ? Pourquoi les relègue-t-on au rang de personnages secondaires, à peine bon pour jouer le rôle du best friend ?
Ne serait-il pas plus rassurant pour le lecteur lambda, celui qui ne se sent pas beau, de se voir représenté sur la page ?
Mardi 24 octobre
La plus grande tragédie de ma vie d’auteur aura été la suivante : je ne peux écrire mes histoires aussi vite que je lis celles des autres.
Lecteur-baleine, j’aimerais être un écrivain-baleine : produire des milliers de mots par jour, ne faire que ça de mon existence, tout le temps, sans pause. Je me fantasme en auteur prolifique. Je voudrais être un polygraphe névrosé qui a besoin d’écrire pour exister… mais la réalité ne saurait être plus différente : je vis très bien sans écrire. Je peux passer des années sans en éprouver le besoin.
Je pourrais dire que je préfère la qualité à la quantité, mais ce serait mentir : je suis juste très lent… Ce n’est pas pour rien si, pendant plusieurs années, j’ai animé un site culturel qui s’appelait « les Plumes Asthmatiques ».
Mercredi 25 octobre
Après dix mois d’écriture quotidienne, je sèche un peu. Trouver des sujets pour ce journal est devenu laborieux. À moins que ce ne soit l’arrivée de l’automne. Je me referme comme une feuille sur le point de tomber de sa branche.
C’est là qu’une IA serait la plus utile : pour me suggérer des idées de réflexions… et aussi pour veiller à ce que je ne me répète pas. Comme je ne me souviens jamais de ce que j’ai écrit la semaine précédente, j’ai toujours la crainte de ressasser les mêmes choses, encore et encore.
C’est en écrivant au quotidien que je me m’aperçois que je ne suis guère original : je retrace toujours les mêmes chemins. Je vis avec une dizaine d’idées dans la tête. Et c’est tout. Évidemment, mon cerveau s’illusionne et croit qu’il en produit des centaines par jour, mais, en réalité, quand je les couche ici, leur nombre se réduit comme une peau de chagrin.
Jeudi 26 octobre
Je vais reprendre l’écriture de ma nouvelle/novella aujourd’hui après une dizaine de jours de pause. Si je pouvais, je pense que je procrastinerais davantage…
La résistance est à l’œuvre, tout est bon pour ne pas toucher à son manuscrit.
Le plus dur est de s’y remettre. La crainte de ne pas y arriver est absurde ; il ne faut pas l’écouter. L’expérience montre qu’elle n’a aucun fondement, mais ça ne l’empêche pas de présenter le bout de son nez.
Vendredi 27 octobre
J’admire celleux qui privilégient leur carrière artistique à leur carrière professionnelle, voire qui font de leur art leur métier principal, malgré l’incertitude et, il faut bien le reconnaitre, la pauvreté qui s’attachent à un tel choix.
J’en suis incapable. J’ai besoin de savoir que mes efforts n’auront pas été faits en vain… qu’on finira par les reconnaitre. Peut-être pas à leur juste valeur, il est vrai, mais peu importe.
Le succès en Art n’est jamais garanti. On ne récompense pas les efforts ni l’éthos de l’artiste… même pas le temps passé à créer l’œuvre. La chance est un facteur plus important encore que la qualité ou le talent. Il faut être au bon endroit, au bon moment.
Samedi 28 octobre
Une romance réaliste se lit plus facilement que… disons… de la fantasy. Quitte à m’attirer les foudres de mes collègues, je peux même affirmer que c’est plus facile à écrire. Du moins, pour ce qui est de l’intrigue. Après tout, boy/girl meets girl/boy, ça ne casse pas trois pattes à un canard.
D’ailleurs, que ce soit dans mes lectures ou dans mes visionnages, je sais vers quel genre je me tourne habituellement quand je ne veux faire aucun effort (c’est-à-dire les trois quarts du temps) : la romance réaliste ne me prend jamais la tête.
Ça se comprend ; pas besoin de retenir des pans entiers de l’intrigue, contrairement à… une romance fantastique, qui est bien plus plot-heavy (comme on dirait de mon côté de la Manche).
Dans mon cas, c’est plus évident encore avec le petit écran : je finis très rarement les séries fantastiques ou historiques. Trop d’effort pour glaner les indices et retenir les éléments du world-building. Mon attention finit par faillir ; mon intérêt se fane.
Il faut que la qualité soit vraiment mauvaise pour que la même chose arrive avec une romance réaliste contemporaine.
Cet état de fait ne cesse de me surprendre (et de me désoler) : j’ai été un lecteur avide de SFFF pendant longtemps. J’ai développé les compétences nécessaires à la navigation des genres de l’imaginaire… L’effort ne devrait donc pas me couter.
Dimanche 29 octobre
Entre hier et aujourd’hui, j’ai lu les trois premiers tomes de la série Shadows of London d’Ariana Nash (de la fantasy urbaine autopubliée).
Je suis impressionné par la qualité du récit. Ce n’est pas un coup de cœur de lecteur, même si j’ai passé d’excellents moments de lecture, mais un coup de cœur d’écrivain.
Voilà à quoi on reconnait une pro de l’écriture. Ses scènes sont maitrisées. L’intrigue avance de manière rythmée. Tout semble naturel, rien n’est forcé. Il y a un équilibre parfait entre descriptions et dialogues.
(En général, nous autres écrivains sommes coupables d’utiliser l’un ou l’autre pour faire avancer nos récits — dans mon cas, ce sont les dialogues.)
Comment arrive-t-elle à ce résultat ? Je n’en ai aucune idée… J’en serais presque jaloux. J’ai essayé d’analyser la construction du récit pendant que je le lisais (comme je fais souvent), mais je n’ai pas réussi à repérer les ficelles. Une seconde lecture s’impose donc.